Les secrets du bon goût de la pomme de terre

La pomme de terre est aujourd’hui débanalisée. Priorité est donnée à la qualité gustative. Les grands chefs étoilés, comme les jardiniers, choisissent leurs variétés en fonction de la recette, et c’est bien le goût qui est toujours mis en avant.

Fini le temps où la pomme de terre était considéré comme le légume du pauvre, un banal aliment bourratif et calorique. Elle a retrouvé ses lettres de noblesse, acquises du temps de Parmentier (voir notre article Histoire de la pomme de terre). Elle est mise à l’honneur par les grands chefs étoilés et elle fait le bonheur des jardiniers. Pour la maison JB Bernard, les variétés de bonne qualité gustative ont toujours été le premier critère de choix.

Le critère primordial de la texture

En matière de création variétale, la recherche porte sur de nombreux critères, car il faut prendre en compte à la fois les préoccupations des producteurs et la satisfaction des consommateurs. Ainsi, les variétés sont sélectionnées sur des critères de rendement, de précocité, de forme et de couleur, d’adaptation aux évolutions climatiques, de résistance aux parasites… mais aussi sur la texture et le goût.

Pour des pommes de terre consommées en frites, purée ou salades, autrefois, le jardinier ne prêtait pas vraiment attention aux variétés à planter. Aujourd’hui, l’amateur a déjà en tête ses recettes de cuisine favorites, avant de se décider à planter.

Dans le Catalogue officiel, les variétés de pomme de terre sont classées en trois groupes : les « chair ferme », les « chair tendre » (ou « consommation »)  et les « féculières » (catégorie réservée aux industriels, pour la production de fécule). Dans les catalogues des revendeurs, figure en plus le groupe des « polyvalentes », qui rassemble les variétés moins typées, qui peuvent s’adapter à plusieurs préparations culinaires.

Le rôle de l’amidon

Quel est donc ce composant de la chair qui influe sur la texture de la chair ? Certes, la teneur en eau du tubercule (70 à 80 %) peut intervenir, ou la teneur en fibres, mais c’est surtout la teneur en amidon (environ 12 à 16 %) qui va faire la différence.

Les variétés dites à chair ferme contiennent relativement peu d’amidon. Elles ont un grain fin, elles ne sont pas farineuses. Coupées, elles ont un aspect brillant et glacé, et elles ont la caractéristique première de bien tenir à la cuisson. Au contraire, les variétés dites à chair tendre ont un grain plus grossier et sont plus riches en amidon. Ces grains se présentent comme des petits ballons, qui vont gonfler à la cuisson. L’augmentation de leur volume brise les parois des cellules, elles se déstructurent. La chair de la pomme de terre devient alors bien tendre lorsqu’elle est cuite.

A chaque variété, sa recette

On comprend ainsi pourquoi les cuisiniers s’intéressent tant à la texture de la chair et choisissent les variétés, en fonction des recettes.

  • Les « chair ferme » sont parfaites à l’eau, à la vapeur, en papillote, étuvées, en salades, sautées ou rissolées. Leur maintien impeccable vous évitera la mauvaise surprise de la pomme de terre qui se désagrège, s’effondre et finit en purée !
  • Les « chair tendre » sont plutôt réservées pour la préparation des pommes de terre au four, des pommes dauphines, en purées ou en potages. Elles ont pour atout de prendre le goût des autres aliments avec lesquels elles sont associées. Elles seront donc idéales pour les gratins ou les plats mijotés. Attention cependant au mode de préparation. Si l’on prolonge trop la cuisson d’une pomme de terre à chair tendre, les grains d’amidon qui éclatent vont libérer une texture épaisse et collante. Cela passe pour une soupe, mais c’est vraiment à éviter pour la purée ! Un dernier conseil pour des purées savoureuses : mieux vaut ne pas les éplucher. Elles absorberont alors moins d’eau, seront moins aqueuses et exprimeront ainsi toute leur saveur.
  • Les « chair farineuse » sont plutôt recommandées pour les soupes, potages, purées et aussi pour les frites. Grâce à leur grain grossier, elles absorbent peu l’huile, encore moins si on a pris le soin de les passer à l’eau, et de les sécher.

Un léger goût de noisette ou de châtaigne ?

En plus de l’amidon, le tubercule contient des protéines, des minéraux, des vitamines, et aussi des sucres, qui vont influer sur son goût. Et oui, les fins gourmets savent bien que la pomme de terre peut développer des arômes subtils. La célèbre Ratte et Chérie sont réputées pour leur goût de châtaigne. La traditionnelle Belle de Fontenay et Roseval pour leur goût de noisette. Et certains disent que Amandine a un léger goût naturel de beurre…

Parmi les différents composants, les sélectionneurs étudient en particulier la teneur en sucres réducteurs que sont le glucose et le fructose. Il est admis que les variétés à faible teneur en matière sèche sont généralement plus riches en sucres réducteurs. Mais d’une variété à l’autre, la composition peut varier significativement et donner un goût plus ou moins sucré. Signalons cependant que ce composant est surveillé, car les sucres réducteurs ont la fâcheuse tendance de « réagir » à la cuisson, avec d’autres composés, pour donner des composés bruns  qui altèrent la couleur et la saveur. Cette tendance au noircissement est rédhibitoire pour les pommes de terre destinées à l’industrie. En fait, personne ne veut voir ses pommes de terre noircir à la cuisson.

La maîtrise de la teneur en sucres solubles ne dépend pas seulement de la variété. Le type de sol, la fumure, le climat, l’irrigation, la date de la récolte influent également. Une même variété cultivée dans deux lieux différents n’exprimera pas la même saveur. Pour certains amateurs, l’origine de production est plus importante que le nom de la variété. Citons l’île de Noirmoutier, notamment, où l’on produit des pommes de terre au goût unique et « incomparable ».

A propos du type de sol, on observe que les pommes de terre cultivées dans des sols meubles et sablonneux sont moins riches en matière sèche que celles cultivées en sol limono-argileux. Ne généralisons pas, certaines variétés s’exprimeront mieux en certaines situations. C’est pour cette raison que JB Bernard donne des recommandations très utiles pour chacune des variétés proposées à la vente. Attention, l’excès d’eau et la fumure azotée peuvent jouer négativement sur l’expression du goût. La date de récolte est également déterminante. Chacun a pu constater que les pommes de terre récoltées en primeurs sont légèrement plus sucrées. Et c’est à l’approche de la maturité que la teneur en sucres atteint son niveau minimal.

Pour illustrer cette étroite corrélation entre la qualité gustative et le terroir, on rappellera les signes distinctifs de qualité :

  • Une Indication géographique protégée (IGP) en 1996 et le Label Rouge pour la pomme de terre (variété Bintje exclusivement) de Merville, dans la région de la vallée de la Lys (Nord-Pas-de-Calais)
  • Une Appellation d’origine protégée (AOP) en 2000 pour la pomme de terre de l’île de Ré, avec des variétés comme Alcmaria et Charlotte
  • Une AOP en 2012 pour la Béa du Roussillon (variété Béa exclusivement, récoltée en primeur)
  • Une IGP en 2020 pour la pomme de terre de Noirmoutier (variétés Sirtema, Bonnotte ou Lady Christ’l, récoltées en primeur)

Cette liste reste ouverte pour de prochaines élues. Quant au jardinier, l’éventail de variétés mis à sa disposition lui permet de reproduire, à l’échelle de son potager, sur sa terre amoureusement cultivée, les pommes de terre au bien meilleur goût que celles de l’étal du marché.

La suite de l’article ? C’est notre cahier de recettes sur ce même blog… Bon appétit !

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