La pomme de terre est originaire de la Cordillère des Andes. Après son arrivée en Europe au 16e siècle, elle a été longtemps boudée. Si elle est aujourd’hui le légume le plus consommé en France et en Europe, si les grands chefs rivalisent de talent pour proposer mille et une recettes, c’est en partie grâce à Parmentier.
Chacun sait que la pomme de terre est le légume préféré des Français, devant la tomate. Mais le saviez-vous ? Ces deux espèces appartiennent à la même famille, les solanacées, qui regroupent une centaine de genres et plus de 2 700 espèces de plantes. Dans cette famille, on trouve bon nombre de fruits et légumes (tomate, aubergine, poivron…), des plantes industrielles comme le tabac, ainsi que des plantes ornementales, comme le pétunia ou le jasmin, ou encore des plantes officinales, comme la belladone ou la jusquiame qui contiennent des alcaloïdes.
Pas de difficulté pour deviner le nom latin de la pomme de terre, qui se consomme par le tubercule : Solanum tuberosum. En raison de sa richesse en amidon, elle figure au quatrième rang des principales cultures vivrières, après le maïs, le blé et le riz.
D’origine lointaine, dans les montagnes du Pérou et du Chili
Et non, la pomme de terre n’est pas originaire de Belgique… ou du Pas-de-Calais, le haut lieu des friteries et de la Bintje en France. Elle a vu le jour loin en Amérique du Sud, en altitude, dans la Cordillère des Andes. Des spécimens datant de plus de 9 000 ans ont été identifiés dans des sites archéologiques. Là-bas, la pomme de terre, « la papa », était non seulement un aliment essentiel mais elle était vénérée. Dans la mythologie des Incas, elle avait pour déesse Axomama, fille de Pachamama, la déesse de la terre.
Il faudra attendre le 16e siècle pour que la pomme de terre soit introduite en Europe. Quel type de tubercules ? On dit que les variétés rouges sont les premières à être rentrées en Espagne, dans les cales des navires des conquistadors, tandis que les jaunes sont arrivées par l’Angleterre. Aussitôt débarquée, les Espagnols lui donnent le nom de « patata », plutôt que « papa », pour éviter la confusion avec le souverain pontife « el papa ». La pomme de terre est d’abord considérée comme une curiosité botanique et cultivée dans les couvents ou jardins royaux. D’Espagne, elle passe par la Suisse, puis elle retient l’attention de l’agronome français Olivier de Serres, qui la nomme « cartoufle » dans son ouvrage « Le théâtre d’agriculture et mésnage des champs ». En Italie, on lui donne le nom de « taratouffli » (petite truffe).
Juste bonne pour nourrir les animaux !
Mais jusqu’au 18e siècle, les Français, comme la plupart des Européens, se méfient de la pomme de terre. Elle va garder longtemps une mauvaise réputation. Par sa culture souterraine, elle est accusée d’être au contact d’influences maléfiques. Surtout, on lui reproche d’être toxique pour l’homme, en raison de la teneur trop forte d’un alcaloïde amer, la solanine (souvent présente dans les plantes de la famille des solanacées). C’est vrai que les progrès de la sélection plus tard vont nous faire oublier ce détail pourtant déterminant. On la réserve donc pour l’alimentation des animaux.
Juste bonne pour nourrir les cochons… ou les prisonniers ! A ce titre, un certain Antoine-Augustin Parmentier, pharmacien des armées, l’aurait goûtée durant sa captivité en Westphalie, après la guerre de 7 ans. De retour en France, Parmentier s’intéresse de plus près à ce tubercule. Il est déterminé à montrer les vertus nutritives de la pomme de terre. Il tente de persuader les savants Buffon, Condorcet et Franklin de la grande utilité de ce légume, pour résoudre les problèmes de famine qui touchent encore la France à cette époque. À la suite de la terrible disette de 1769, l’académie de Besançon lance un concours qui a pour thème : « Indiquez les végétaux qui pourraient suppléer en cas de disette à ceux que l’on emploie communément à la nourriture des hommes, et quelle en devrait être la préparation. » Devinez qui remportera le premier Prix, c’est Parmentier lui-même, qui avait rédigé un mémoire sur la pomme de terre.
Ne parvenant toujours pas à convaincre les consommateurs, Parmentier décide alors, avec l’accord du roi Louis XVI de cultiver la pomme de terre dans des terrains en bordure de Paris. Et il obtient du roi que ces champs de pommes de soient gardés le jour par des soldats. Voilà ce qui va attirer la curiosité des Français. Quelles sont donc ces cultures qui méritent tant d’égards ? Il n’en fallait pas plus pour que les pommes de terre deviennent objet de convoitises. Pendant la nuit, quand les gardes ne sont plus aux aguets, les habitants des quartiers alentour vont venir dérober ces précieux tubercules. La publicité sera faite ! La pomme de terre devient ainsi aux yeux des Français un légume noble et fameux. Un autre événement contribuera dans le même temps à cette promotion. En 1786, Parmentier organise un banquet en l’honneur de Louis XVI, au cours duquel ne seront servis que des plats à base de pomme de terre, de l’entrée au dessert. Y compris le hachis Parmentier ?!
Les progrès déterminants de la sélection
A partir de cette date, la pomme de terre commence à intéresser les Français, les Européens et sa culture s’étend dans le monde entier. Les maisons de sélection vont engager des programmes de recherche et l’amélioration va contribuer à son développement. Le petit tubercule guère appétissant, de couleur bizarre, cabossé, avec une peau coriace et un goût amer, va se transformer en la « belle des champs ».
Le nombre de variétés cultivées ne va cesser de grimper. Du temps de Parmentier, on pouvait en citer une quarantaine. Parmi elles, la « grosse blanche tâchée de rouge », la rouge dite « souris » ou « corne de vache », la « pelure d’oignon » ou « langue de bœuf » ou encore la « violette fort hâtive ». En 1846, un premier catalogue de la maison Vilmorin en recense 177. Plus tard, une classification va être entreprise par Henry de Vilmorin, en retenant la forme du tubercule : sphérique (les « Patraques »), aplatie (les « Parmentières ») ou cylindrique (les « Vitelottes). En 1881, le célèbre catalogue Vilmorin répertorie 630 variétés.
Aujourd’hui, le paradis de la pomme de terre se situe au sud-est du Pérou, dans les environs de Cusco. Le « Parque de la Papa » s’étend sur plus de 12 000 ha, à 3 500 mètres d’altitude. Plus de 1 400 variétés de pommes de terre sont observées, expérimentées et conservées. Ce parc constitue un véritable laboratoire grandeur nature, une « banque de gènes », qui seront à l’origine des nouveautés de demain distribuées par JB Bernard.