ÉTABLISSEMENT BERNARD – La pomme de terre française

UN TRAVAIL D’ORFÈVRE

Présents sur tous les marchés, les Établissement Bernard, avec 1,7 million d’emballages commercialisés par an -du chromo 25 plants au big-bag – réalisent un vrai travail d’orfèvre. La mise en service récente de leur laboratoire devrait entre autres permettre à leurs variétés d’arriver plus rapidement sur le marché.

Début juin, un laboratoire flambant neuf a été mis en service au sein des Établissements Bernard, implantés depuis plus de vingt ans à Gomiécourt (62). 300m² des anciennes écuries du splendide corps de ferme – où trône au centre de la cour un imposant pigeonnier – ont été divisés en quatre secteurs. Le premier est équipé de tout le nécessaire pour réaliser les analyses de pathologie (presse à feuilles, étuves, test Elisa…). Le deuxième est un environnement stérile pour la préparation du matériel de culture in vitro. Le troisième est destiné à la production de mini-tubercules afin de réduire le cycle de multiplication et l’empreinte environnemental des plants. Enfin, le quatrième espace est une salle où toutes les expérimentations seront permises. Belle performance pour cette entreprise fondée en 1934 par Jean Bernard, producteur, et reprise il y a trente ans par Pierre-Henri Benoît.

Bonne À manger et rustique

La recherche des Éts Bernard, axée sur des variétés destinées au maraîchage et au jardinage, favorise le goût et la rusticité.

DEUX VARIÉTÉS ISSUES DE LEURS CROISEMENTS

« Depuis vingt ans nous réalisons des croisements et disposons d’une serre pour nos boutures. En 2018, nous avons été heureux et fiers de présenter la pomme de terre Ulysse notre première variété issue de notre serre de croisement, inscrite au catalogue européen, souligne Anne-Cécile Dhers, fille du repreneur et actuelle dirigeante des Éts Bernard. Puis a suivi Minette deux ans après. Une troisième, nous l’espérons, 2013-10-1, entame sa seconde année d’inscription au catalogue néerlandais, indique-t-elle. Auparavant, le personnel de l’entreprise effectuant la sélection aux champs, le tri des pommes de terre jusqu’à la préparation de commandes, réalisait également des croisements. Nous les intéressions ainsi au produit, les formions au métier, dans un esprit d’équipe et d’appartenance à la structure cher aux Éts Bernard. Nous nous sommes professionnalisés au fur et à mesure des années jusqu’à l’embauche, en mai 2021, de Victoire Decarsin, ingénieur en physiologie et génétique, qui se charge des croisements, de la sélection, des boutures, jusqu’aux champs d’essais de nos futures pépites. » Le laboratoire et la serre permettent de tester les croisement plus rapidement, d’accélérer l’exclusion de caractéristiques rédhibitoires.

Le rendement n’est pas leur premier critère. « Dans notre région de Bapaume, l’équilibre est très bon au niveau bactérien et fongique, mais la faiblesse se situe du côté des virus. Avec le réchauffement climatique qui conduit à l’augmentation des maladies virales, notre défi est donc de trouver des variétés bonnes à manger mais aussi peu sensibles aux virus, d’autant que la société civile rejette les produits phytosanitaires », point-t-elle. L’objectif des Éts Bernard est aussi de proposer des plants indemnes de virus, après multiplication durant trois années à l’air libre. Au départ, 100000 boutures sont présentes en année 0, issues désormais de leur salle de culture. L’année 1, elles se trouvent sous filet insect-proof. En année 2, elles en sont équipées ou non, selon leur sensibilité, puis en année 3 à 5 les plants se retrouvent à l’air libre dans des zones marchandes. « La résistance aux virus apporte un gain d’années de multiplication qui nous permet de proposer des plants à un prix de revient correct, apprécie Anne-Cécile Benoît. Nous testons également la mécanisation des boutures et la production de micro-tubercules, toujours dans un objectif de baisse de prix de revient, note-t-elle. Le laboratoire est évidemment une zone de recherche. Nous travaillons par exemple sur des huiles essentielles. Aux producteurs qui nous font confiance, nous apportons une technicité que leur permet de multiplier des plants en sécurité et avec rentabilité. »

QUATRE MARCHÉS

Les plants des Éts Bernard sont commercialisés sur toute la France grâce à six commerciaux, dont Anne-Cécile et Victor Dhers. « Nous sommes aussi nombreux au service commercial car nous lançons régulièrement de nouvelle variétés », explique Anne-Cécile Dhers.

Leurs plants sont destinés à quatre marchés. 2500 t par an partent via les jardineries. Peu d’intervenants subsistent sur ce secteur représentant 11285 t sur la campagne 2020-2021, selon Smae. Alors que le marché décroît globalement (-5,8% pour les clayettes de plants germés mais + 4,2% pour les petites sacs de plants non germés), les Éts Bernard affichent eux, régulierement +5 à +10 % sur ce secteur ! Cinq de leurs variétés se trouvent dans le top 20 des variétés les plus vendues au jardin : Bernadette, Blanche, Osiris, Jeannette et Rose de France, sachant que 30 variétés couvrent 86% du tonnage commercialisé en 2020-2021. « Notre sélection est très rigide. Les champs d’essais sont régionaux. Chaque nouvelle variété doit être bonne à manger, apporter quelque chose de nouveau et surtout ne créer aucun souci à notre client. Nous de pouvons pas les décevoir. Il nous font confiance depuis de nombreuses années ». Dans l’Ain, à Vonnas, la structure dispose d’un dépôt spécialisé, notamment dans

les clayettes germées dressées, qui joue le rôle de relais logistique pour tout le Sud. Les palettes sont d’ailleurs complétées par des bulbes, topinambours, patates douces, crosnes ou autres légumes d’autrefois pour maximiser le transport.

Le deuxième marché de l’entreprise est le maraîchage. 3000 t y sont écoulées au niveau national auprès de plus de 3000 clients. « Les maraîchers viennent chercher chez nous une gamme variétale très large, de la précoce, à la colorée, en passant par la Corne de Gatte ou la Bleue d’Artois. Certains nous réservent une douzaine de variétés différentes. Parfois, ils se regroupent pour passer commande via un site qui leur est dédié. » 20 % de leur production se fait en biologique et l’ensemble est non traité après récolte depuis plus de vingt ans.

La majorité des variétés proposées par les Éts Bernard ayant passé avec succès l’examen minutieux des jardiniers et des maraîchers, elles se retrouvent également sur le troisième marché plus récent de la structure, la grande culture, travaillé depuis seulement six ans. « Rustiques, ces variétés s’adaptent en toutes circonstances. Elles sont forcément à longue dormance puisque le CIPC n’était pas autorisé en jardin. Les proposer en grandes cultures a finalement

été facile. Blanche s’y développe bien, apprécie Anne-Cécile Dhers. Elle plaît beaucoup avec ses qualités culinaires, sa longue dormance, sa belle peau et ses très bon rendements. Nos clients sont des producteurs de consommation, mais aussi des négoces. Tous nous font confiance. Ils savent que nous somme une petite maison accessible qui s’engage. Ils viennent chercher chez nous une sorte de liberté. » Osiris et Étincelle se développent aussi sur ce marché ou 300 t sont désormais commercialisées. Le quatrième marché en est un en devenir : l’export. Une variété du Comité Nord qui leur a été attribuée, JB007, devrait être destinée aux marchés espagnol et italien (ainsi qu’aux jardiniers espagnols expatriés en France auxquelles elle plaît beaucoup).

« Notre force, avec nos quatre marchés destinataires est de pouvoir vendre la totalisé de notre production. Les trois calibres trouvant alors un débouché », se félicite-t-elle.

Une fourmilière

Avec une production en propre sur 205 ha autour de Gomiécourt, ne quinzaine de variétés multipliées sur plus de 100 parcelles, 20 ha de bio et 80 ha sous contrat avec 25 producteurs, les Éts Bernard ne se facilitent pas la tâche ! 1300 référence sont proposées. 1,7 millions d’emballages, du chromo de 25 plants au big-bag, est commercialisé par an. Un système logistique et de traçabilité a même été créé pour répondre à leurs besoins spécifiques. « Dès le 1er janvier, les entrepôt ressemblent à une vrai fourmilière pour livraison un mois plus tard. Les commandes sont nombreuses et complexes. Nos équipes réalisent un vrai travail d’orfèvre », apprécie-t-elle.

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